Cas groupés d’infections à virus Mayaro, réserve naturelle nationale des Nouragues, Guyane, janvier 2024
Résumé
Le virus Mayaro (MAYV) est un virus sud-américain proche du virus Chikungunya, de la famille des Togaviridae et du genre Alphavirus, généralement transmis par des moustiques forestiers du genre Haemagogus. La présentation clinique, proche de celle liée au chikungunya, associe de la fièvre, des arthralgies au premier plan et un exanthème. En Guyane, 17 cas seulement ont été rapportés entre 2003 et 2019, majoritairement après un séjour en forêt. Treize cas ont été détectés en 2020, sans lien épidémiologique entre eux, parmi lesquels 11 avaient été acquis sur l’île de Cayenne. Aucun cas n'a été rapporté depuis. Nous rapportons ici un cluster survenu début 2024 chez des personnes revenant de la réserve naturelle nationale (RNN) des Nouragues. Fin janvier 2024, 5 personnes dont 3 chercheurs de l'Union Européenne et 2 salariés de la RNN ont développé un tableau « chikungunya-like » au retour d'un séjour de la RNN de Nouragues. La médiane d’âge était 36 ans (min-max, 30-48). Parmi les 5 patients (2 femmes et 3 hommes), tous ont rapporté des arthralgies, 4 de la fièvre, 4 une éruption cutanée, 3 des œdèmes des pieds, et un des œdèmes des mains. Les articulations distales étaient les plus fréquemment touchées. La médiane de la durée de la fièvre était de 5 jours (min-max, 4-8), de la durée de l’éruption 6 jours (min-max, 5-21). Parmi les 5 patients, 3 ont eu des douleurs articulaires qui se sont amendées (11, 17 et 28 jours), et 2 avaient des arthralgies persistantes à plus 3 mois, l'un toujours sous AINS, l'autre sous prednisone avec persistance d'une cortico-dépendance. Le diagnostic d'infection par le virus Mayaro a été posé par RT-qPCR pour 2 patients, par sérologie (IgM Mayaro positives) pour 2 autres. Le 5e patient, avec pourtant un tableau clinique évocateur, n'a pas pu être confirmé biologiquement malgré 2 sérologies réalisées au Centre national Allemand de référence pour les pathogènes infectieux tropicaux respectivement à J19 et J31 des symptômes (persistants à 32 jours) qui sont restées négatives (techniques différentes de celles utilisées en Guyane). Dix-huit personnes ont séjourné aux Nouragues sur la période parmi lesquelles six ont bénéficié d'une sérologie MAYV, toujours revenue négative, démontrant l'absence de formes asymptomatiques. Par la suite, plus aucun cas n'a été signalé au retour de la RNN, y compris un groupe de 20 chercheurs qui y a séjourné dans les même conditions quelques semaines plus tard. À noter qu'un autre cas, sans aucun lien épidémiologique avec ce cluster a été identifié en février2024 à Saint Laurent du Maroni. Les résultats négatifs en sérologie de la 5e personne du groupe pourrait peut-être s'expliquer par une sensibilité différente de la technique utilisée en Allemagne comparée à celle de Guyane. L'infection par le MAYV est à évoquer devant un syndrome « chikungunya-like » associant des arthralgies distales fébriles avec ou sans éruption cutanée chez des personnes vivant ou revenant d'Amérique latine. Certains patients évoluent vers une maladie douloureuse/inflammatoire chronique comme observée au décours d'un chikungunya. Des explorations entomologiques sont prévues dans les mois à venir pour apporter des explications à la survenue de ce cluster. À noter que la période 2024 a été marquée par une circulation importante d'arbovirus divers en Amérique latine (dengue, Oropouche, virus de l'encéphalite équine, etc).
Auteurs, date et publication :
Auteurs L. Epelboin , A. Lavergne , P. Le Turnier , S. Talaga , S. Pavin , R. Naldjinan , C. Gaertner , A. Enfissi , M. Gertler , A. Zoufaly , J.-B. Duchemin , D. Rousset
Publication : Assises Guyanaises d'Infectiologie et de médecine Tropicale
Date : 2024
Volume : 3
Issue : 4, Supplement
Pages : S14-S15